Le visage de l'arbitre israélienne Sapir Berman s'illumine en évoquant le moment où son "rêve est devenu réalité". Cette année, elle a été la première femme transgenre à arbitrer un match de football international.
"J'ai toujours voulu être une femme, et j'ai toujours voulu être arbitre de football. Et puis ces deux rêves ont fusionné en un seul, dans une explosion de joie", raconte la jeune femme de 31 ans à l'AFP, décrivant un "sentiment exaltant et puissant": ce "que je fais est juste, je me choisis, je montre au monde que c'est possible".
"Depuis que j'ai cinq ans, je veux être une femme, une fille. Mais quand j'ai commencé à jouer au foot, je me suis rendue compte que mon rêve d'être une femme et celui de jouer au foot n'étaient pas compatibles", se rappelle-t-elle.
"Alors j'ai décidé de cacher qui j'étais, et de continuer à jouer au foot. Je me suis cachée pendant presque 26 ans".
Celle qui a grandi dans une famille fan de foot a joué à haut niveau, en défense, jusqu'à ses 15 ans environ.
Puis quand elle comprend qu'elle ne fera pas carrière, elle rejoint l'Association des arbitres. Sapir Berman gravit les échelons, jusqu'à arbitrer des matchs de la Première ligue israélienne masculine.
Tout en gardant enfoui son "secret le plus intime".
"Beaucoup de questions"
Le déclic est venu au moment du confinement lié à la pandémie du Covid en 2020. Sapir Berman a le temps de réfléchir à son avenir. "Je me suis demandée (...) +c'est à ça que ma vie va ressembler?+", se remémore-t-elle.
"J'ai décidé de me dévoiler".
Elle croit d'abord que cela marquera la fin de sa carrière, mais son frère lui suggère d'essayer de faire en sorte de continuer.
Celle qui a annoncé sa transition en 2021 explique que son parcours n'a pas été facile, malgré le soutien et le professionnalisme de l'Association des arbitres israéliens.
"Il y avait beaucoup de questions, et beaucoup de moments où ils disaient: +on ne sait pas quoi faire+. Et moi non plus, je ne savais pas quoi faire, ce que ça impliquait, à quoi m'attendre", admet-elle.
Quand elle commence son traitement hormonal dans le cadre de sa transition, elle en veut d'abord à son son corps.
"En dehors du terrain je me sentais incroyablement bien, mais sur le terrain j'avais l'impression que j'étais en train de détruire ma carrière".
Elle rate deux tests de condition physique, est rétrogradée en ligue inférieure mais avec l'aide notamment d'un psychologue du sport, finit par faire son grand retour.
Cette année, elle a reçu sa certification pour les matchs internationaux, et rêve désormais d'arbitrer des matchs de Ligue des champions, d'Euro ou de Coupe du monde.
Insultes au féminin
En mars, à l'occasion d'un match de qualification à l'Euro féminin des moins de 17 ans entre l'Irlande du nord et le Monténégro, Sapir Berman est devenue la première arbitre transgenre d'un match international officiel dans l'histoire du football européen, selon l'UEFA.
L'Anglaise Lucy Clark avait été en 2018 la première femme transgenre au monde à arbitrer un match, en championnat d'Angleterre semi-professionnel, mais n'a jamais officié à l'international.
La participation des sportifs transgenres est un sujet brûlant, les différentes disciplines cherchant à concilier inclusion et équité de compétition.
En Angleterre et en Ecosse, les compétitions féminines de football sont depuis mai interdites aux femmes transgenres.
Sapir Berman affirme faire confiance aux instances décisionnaires, pour qu'elles "trouvent le moyen d'intégrer, d'unir et de diversifier".
Sur le terrain, pour elle, les réactions ont été bonnes, côté joueurs comme côté public.
"Les supporters continuent de m'insulter, mais maintenant ils le font au féminin", s'amuse-t-elle. Une "sorte de marque d'approbation, ils me voient exactement comme je suis".
Et dans la rue, des jeunes s'arrêtent pour lui dire que son histoire leur a donné de l'espoir. "Ca me comble, ça me donne tellement de force pour continuer. Parce qu'au final, je me suis choisie moi-même".